TENSIONS ENTRE ELUS ET PREFETS A L'APPROCHE DE LA "VOTATION"SUR L'AVENIR DE LA POSTE

Publié le par LES ELUS DU GROUPE AGIR AUX ANGLES

LE MONDE | 30.09.09 | 15h33  •  Mis à jour le 30.09.09 | 15h33

François Brottes, député socialiste de l'Isère et maire de Crolles (8 651 habitants), ne décolère pas. Comme vingt autres élus de son département, il vient d'être déféré devant le tribunal administratif, par décision du préfet, pour avoir prévu d'organiser une consultation locale sur l'avenir de La Poste, le 3 octobre, via une délibération du conseil municipal.

Le préfet de l'Isère, Albert Dupuy, estime cette délibération illégale, les communes n'ayant pas compétence pour soumettre à un référendum local une question relevant de l'Etat. Il en demande l'annulation au juge administratif. "La Poste (...) est placée sous la tutelle du ministre délégué à l'industrie. (...) Son avenir ne saurait connaître des compétences de la commune", écrit M. Puy dans sa requête. Les premières audiences étaient prévues mercredi 30 septembre.

"Les menaces qui pèsent sur les élus sont inacceptables, tempête M. Brottes. La Poste remplit des missions de service public partout en France et participe à la dynamique et l'équité entre territoires."

Le député et maire conteste l'interprétation du préfet : "La délibération a été votée à l'unanimité du conseil, avec des élus de gauche et de droite. Le préfet se trompe quand il parle de référendum local : ce que nous avons voté, c'est une consultation publique, avec simple demande d'avis des citoyens. Pas un référendum !"

Le cas de l'Isère n'est pas isolé. Dans tous les départements où les villes ont adopté de telles délibérations, les préfets sont mobilisés. "Nous en sommes au contrôle de légalité, déclare-t-on ainsi à la préfecture du Gard. Si nécessaire, nous formerons des recours pour excès de pouvoir." Cinq communes sont sur le grill. Devant la menace de se retrouver au tribunal, certains maires font savoir aux préfets qu'ils se rétractent.

Ces contrôles traduisent les tensions de plus en plus vives entre les élus et l'Etat, à l'approche du samedi 3 octobre, date à laquelle se tiendront un peu partout en France, à l'initiative d'un "Comité national contre la privatisation de La Poste" composé de 60 associations, syndicats et partis politiques (PS, PC et Verts), des "votations citoyennes". Une seule question sera posée : "Le gouvernement veut changer La Poste pour la privatiser. Etes-vous d'accord avec ce projet ?"

Or, le gouvernement estime le vote biaisé, son projet n'ayant, assure-t-il, pas vocation à privatiser l'opérateur public postal mais à lui donner les moyens de se développer, avec des capitaux "100 % publics". Il s'agace donc du soutien politique, et logistique, apporté par certains maires au scrutin sans statut légal ni valeur juridique. Le vote aura souvent lieu sur la voie publique, sur les marchés ou devant les bureaux de poste, mais certaines communes mettront des salles à disposition du Comité contre la privatisation, ce qui est légal du moment qu'ils n'y affectent pas du personnel de mairie.

Le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault (PS), est de ces élus. "On a mis une urne à la mairie pour la défense du service public de La Poste, explique M. Ayrault. La Poste, c'est un symbole, un service public qui concerne tous les citoyens."

Le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale ne croit pas aux assurances données par le gouvernement : "On a vu et entendu Nicolas Sarkozy nous assurer, la main sur le coeur, que jamais il ne toucherait au statut d'EDF et de Gaz de France. On sait ce qu'il en a été. Nous appliquons le principe de précaution", poursuit M. Ayrault.

"Participation historique"

Laurent Fabius, président de la communauté d'agglomération de Rouen, soutient aussi la consultation : "Derrière le changement de statut se profile la privatisation, c'est écrit même si ce n'est pas pour tout de suite." Pour l'ex-premier ministre, "on devrait pouvoir organiser un vrai référendum sur le sujet. C'est un refus de démocratie".

Mais le plus agaçant pour le gouvernement, c'est que des élus de droite sont venus grossir le cortège des "anti-privatisation". Gérard Bezerra, président départemental de l'UMP dans le Gers, maire de Montréal, a voté pour le voeu "contre la privatisation de La Poste" présenté par les socialistes au conseil général. Il ouvrira sa mairie pour le scrutin. Gêné aux entournures, M. Bezerra explique qu'il "critique une réforme initiée à l'origine par les socialistes". "Même si je suis élu UMP, je n'oublie pas que je suis élu rural, indique-t-il, je me suis toujours engagé pour les services publics."

Sans attendre le résultat du vote, lundi 5 octobre, Razzy Hammadi, secrétaire national du PS chargé des services publics, parle d'une "participation historique, qui fera plier le gouvernement. On a dépassé les 4 000 points de vote : le million de "non", ce n'est plus un objectif mais un point de départ !".

Dans l'état-major de La Poste et au gouvernement, l'exaspération est manifeste. "Pour une fois que les socialistes s'entendent sur quelque chose", entend-on dire. De son côté, Pierre Hérisson (UMP), le président de l'Observatoire national de la présence postale, joue les provocateurs : "Les auteurs de ce vote sont libres, mais ce qu'ils font croire aux Français n'a rien à voir avec le projet du gouvernement. S'il s'agit de dire "non à la privatisation de La Poste", le premier qui signe, c'est moi ! "

Anne Michel
Article paru dans l'édition du 01.10.09

Publié dans ACTUALITES

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